- TIMBRE (musique)
- TIMBRE (musique)Indépendamment de la durée, les musiciens attribuent aux sons musicaux des qualités particulières: hauteur, intensité et timbre. Le timbre, c’est ce qui distingue entre eux des sons de même hauteur et de même intensité. Pour le décrire, on utilise une terminologie empruntée au vocabulaire des sensations visuelles, tactiles, gustatives, etc.: un son est «clair», «rond», «chaud», «aigre»..., vocables fort suggestifs, mais dont le sens reste très flou et imprécis. Depuis longtemps, les acousticiens de la musique ont tenté de définir ces termes de façon objective; mais ils n’y sont parvenus qu’à une époque récente, lorsque l’électro-acoustique leur eut fourni des appareillages permettant de faire une analyse exhaustive des sons et de visualiser ceux-ci sous l’aspect d’«images» hautement significatives, le sonagraphe en particulier. Le sonagramme représente une véritable «photographie» des sons, permettant précisément de mettre en évidence, sous l’aspect de grandeurs physiques (temps, fréquence et niveau), ce qui différencie deux sons de même hauteur et de même intensité, et qui recouvre en fait un ensemble de variables physiques et perceptives fort complexe. L’étude qui suit analyse les plus importantes d’entre elles.Longtemps considéré comme un simple «agrément» du son, le timbre a été progressivement utilisé par les compositeurs comme l’une de ses caractéristiques les plus importantes. En créant l’orchestration dite moderne, Berlioz a montré que le timbre devait jouer, dans la composition, un rôle très important. Schönberg, moins d’un siècle plus tard, allait même imaginer la Klangfarbenmelodie (mélodie de timbres), largement employée par beaucoup de musiciens contemporains.Le nombre de composantes du sonUn son musical normal n’est jamais un phénomène simple, mais un agrégat évolutif d’un nombre plus ou moins grand de composantes. Ces composantes sont des «harmoniques» lorsque leur fréquence est un multiple entier de celle du son de base (fondamental); ce sont des «partiels» lorsque leur fréquence est quelconque; ou bien ce sont des bandes de bruit variées, composées de «grains de son» aléatoires, apparaissant dans des régions fréquentielles variées. Le timbre est d’abord déterminé par le nombre de composantes en présence: selon le cas, il est «riche» ou «pauvre». Il convient toutefois de bien insister sur le fait que l’oreille humaine n’est pas également sensible aux diverses fréquences: elle n’entend pas les composantes trop aiguës ou trop graves (infrasons et ultrasons), mais elle perçoit les composantes d’autant mieux qu’elles sont voisines de la «zone sensible» (de 500 à 5 000 vibrations par seconde, soit de 500 à 5 000 Hz). À noter encore que des composantes très intenses sont susceptibles d’en «masquer» d’autres; celles-ci existent alors physiquement, mais non perceptivement. D’autre part, les propriétés de l’oreille sont très variables d’un individu à l’autre: un son riche en composantes pour l’un peut paraître pauvre à une oreille déficiente.L’intensité relative des composantesL’intensité des composantes intervient de façon très caractéristique pour nuancer la richesse et la pauvreté du son. Un son riche dont les composantes inférieures sont intenses est «plein», «éclatant»; si elles sont faibles, le timbre est «maigre»... Si les composantes inférieures sont faibles et les composantes aiguës intenses, le son peut devenir «nasillard». Lorsque les harmoniques pairs sont faibles, le timbre «sonne la clarinette». Tous ces termes, et d’autres, recouvrent des «balances d’intensité relative» différentes.Le rapport harmonique entre les composantesOn a défini autrefois les sons «musicaux» comme étant exclusivement composés d’harmoniques; or cette conception est dépassée depuis longtemps. Ne peuvent en effet produire des sons «harmoniques» que les instruments à sons tenus (violon, clarinette, flûte); mais tous les instruments à percussions, piano compris, ne peuvent fournir que des partiels. Il est cependant certain que la présence exclusive d’harmoniques confère aux sons une qualité particulière de consonance au timbre, comparativement à ce qui est le cas lorsqu’on est en présence de partiels qui rendent le timbre plus ou moins «grinçant». Cela, toutes choses égales d’ailleurs, car un harmonique intense d’un son aigu rend celui-ci tout aussi «inharmonieux» qu’un partiel... ce qui nous oblige à considérer une variable supplémentaire du timbre: la situation des composantes dans l’échelle des fréquences.La situation des composantes dans l’échelle des fréquencesLa situation des composantes détermine le caractère général «sombre» ou «clair» du timbre. Lorsque la zone sensible de l’oreille (de 500 à 5 000 Hz) est dégarnie, le timbre sonne «creux». Inversement, si toutes les composantes sont concentrées dans la zone sensible, le timbre devient «agressif».Le timbre résulte donc largement de la combinatoire entre le nombre, l’intensité relative, le rapport «harmonique» et la situation des composantes des sons. Mais les transitoires sont une variable importante.Les transitoiresUn son musical ne s’établit et ne s’éteint pas instantanément. On appelle «transitoires» les phénomènes acoustiques évolutifs en présence lors de l’établissement et de l’extinction des sons. La durée de ces phénomènes transitoires, mais aussi l’ordre d’apparition et d’extinction des divers composants des sons (harmoniques et partiels), conditionnent largement le timbre. Dès l’apparition de la bande magnétique, il a été facile de montrer que les transitoires conditionnent très largement le timbre. En effet, il suffit de lire une bande de musique de piano à l’envers pour confondre le timbre du piano avec celui de l’accordéon; il suffit de couper les attaques du violon pour ne plus reconnaître l’instrument; il suffit de «gonfler» artificiellement l’extinction d’un accord de piano pour penser qu’il s’agit d’un accord d’orgue!Comme on le voit, la notion de timbre recouvre une combinatoire très compliquée de nombreuses variables. Il faudrait encore citer les modifications de timbre dues à la salle où se joue l’instrument: tel violon paraît «sec», «maigre» dans un petit local très amorti et «sonne» à merveille, avec un timbre «moelleux» et «riche», dans telle salle réverbérante. Il convient une fois encore d’insister sur le rôle de l’oreille individuelle dans l’appréciation du timbre. Une oreille «jeune», statistiquement, perçoit bien l’aigu et le suraigu qu’une oreille plus âgée ou pathologique perçoit mal: pour les uns, tel instrument est «agressif»; pour d’autres, il est «chaud» et «rond».D’une façon très générale, si le timbre de tel ou tel instrument dépend de la nature de l’excitation et des particularités physiques du corps sonore, le musicien peut plus ou moins agir sur le timbre en cours de jeu. Sur un même instrument, tel musicien a une «jolie sonorité», tel autre un «vilain timbre»... On notera encore que l’appréciation de la qualité du timbre est largement fonction du conditionnement musical auquel a été soumis l’auditeur: tel musicien indien ne peut supporter le timbre du piano; tel musicien européen honnit le timbre de la vièle à deux cordes vietnamienne...Le concept de timbre n’a donc pas la belle simplicité qu’on lui attribuait naguère, et les variables psychophysiologiques y comptent peut-être autant que les variables physiques.
Encyclopédie Universelle. 2012.